À
PROPOS DE SON TRAVAIL
Lumières
noires (black lights)
Des êtres
qui jaillissent dune lumière si intense quelle en
est presque noire, voilà lune des clés de luvre
de Patrick Singh. La force qui sen dégage, violente ou noble,
captive immanquablement.
Patrick Singh sest fait connaître par une pratique, rare,
du trait de lencre et du lavis, un dessin maîtrisé,
sobre, sattachant aux visages et aux corps par des saisies fulgurantes,
servant une belle démarche dattention et dempathie
pour des humanités venues du fond des âges et pourtant si
actuelles.
Les uvres rassemblées aujourdhui témoignent
des évolutions qui traversent désormais ce travail, le
dédoublent, et le redéploient dans dautres regards,
en maintenant la quête initiale inentamée. Ses peintures
tentent à rendre plus vive la chair des altérités
dont il ne cesse de senquérir.
Sil garde sa rigueur, son dessin en effet se tend désormais
sur le vivant, les peaux font craquer le trait, le dispersent, le reconstruisent
sous les épaisseurs des huiles. Cela vaut de fascinantes figures
où le classique des apparences est démenti par un traitement
neuf et véhément. Dans le même temps, les supports
se multiplient (huile sur photo et radiographie, technique mixte sur
métal
) et les fonds sannoncent, saffichent pour
ce quils sont : de fortes matières. Ils empruntent au quotidien
de la rue et des murs, de la moiteur, du salpêtre, des cartons,
des tôles rouillées et ils se font écrins et terreaux
doù naissent corps et mouvements. Dautres fois, ils
absorbent ceux-ci dans un brouillard épais doù émerge
difficilement un portrait noir ou les avalent, ne laissant plus rien
paraître quune abstraction irradiée par une étoile
noire. À lévidence, il est question dune "
nouvelle manière " qui sert une lecture personnelle du monde,
sans concession et sans afféterie.
Daniel Bégard (Critique dart)
Absolu
dhumanité
La figuration
de Singh tend à élever les êtres au rang d'images
presque sacrées, tout en les stigmatisant dans leurs conditions
de simples mortels. Ils portent sur et en eux les empreintes universelles
des trajets physiques et symboliques de lespèce. Peintures
de femmes et dhommes suspendus dans le temps, au gré des
discontinuités et des ruptures, leur force dramatique présentée
en série, crée une sorte de mythologie contemporaine.
Projection sur divers supports d'un univers mental sous tension, les
encres, les huiles, les sables, et autres collages fixent en ébauches
définitives les corps et leur langage codifié. Sur le plan
graphique, une harmonie sopère et sont mis sur un plan égalitaire
le passant anonyme, le portier de nuit, le vendeur dabsinthe, lesclave
libéré, le visiteur, la danseuse flamenca, et au travers
deux les affres du bien et du mal. Parce que les êtres sont
un peu tout à la fois. Toutes ses provenances passent par ce filtre
pictural qui saisit immanquablement.
Une exposition de Singh est une quête effrénée d'un
absolu d'humanité. Une uvre habitée.
Nuits
Encres après
encres, Patrick Singh dresse des figures nées de la nuit. Chez
lui, tout fait lanterne pour effacer les ténèbres. Des
lavis lumineux dans lesquels l'Autre est approché de si près
que nous sommes son visage. Il est dans le regard-blessure des femmes
trop belles, dans le calypso noyé de l'indien caraïbe, dans
la tulle accumulée de l'homme bleu, dans les scarifications du
guerrier et le sein des anciennes esclaves... Toutes ces sortes d'humanités
auxquelles, sans Singh, nous n'accèderions plus et qu'il nous
livre pour que nous n'échappions jamais à nous-mêmes.
De ces mystères d'altérité, il fait sa transfusion.
Sa rigueur est aussi de ménager des blancs qui, en réalité,
sont nos déserts, notre "terra incognita".
Confidentiellement : Singh est un trafiquant de miroirs et, il a beau
plonger sa main dans les ténèbres, sa main ne noircit jamais.
Sa main est imperméable à la nuit.
Le temps des passages
Visages de toutes races, frontières entre deux mondes, visible
et invisible. Souffles mystérieux de laltérité,
dans sa diversité, sa multiplicité mais également
son unité, car leur source est unique : celui qui les manifeste.
Patrick Singh nous guide vers des panoramas où linteraction
entre la figure humaine, les marques tribales et autres " écritures
" sont les occurrences reconnaissables de son uvre.
Avec ses dessins et peintures sur divers supports (papier ; bois ; toiles
; photos ; métal ; radiographies), il nous livre avec intensité
des territoires peuplés dhumanités fascinantes venues
du fond des âges et pourtant si actuelles.
Son uvre témoigne d'un désir farouche de peuplement
: ses séries thématiques, qui parfois atteignent des centaines
de lavis et de techniques mixtes, traduisent son obstination à
présenter un flot incessant de personnes de toutes appartenances,
de corps sous tension, de signes culturels en mouvement. Lhumain
est au centre de sa proposition artistique et se présente comme
seul signifiant du réel.
Une fois confrontés à son itinéraire pictural, nous
sommes face à nous-mêmes, avec nos interrogations, nos parts
d'ombre et nos faisceaux de lumière. Dès lors, aucune surprise
que Patrick Singh cultive cette géographie sans obstacles où
les peuples circulent, se croisent, saccrochent, senrichissent
de leurs exodes, mêlent leurs traits et leurs sangs, faisant de
leurs passages, des marques déternité.
Nights
Ink, and more
ink... Patrick Singh addresses upright his figures born of the night.
For him, everything is a lantern that erases the darkness. Tinted luminous
in which the "other" is approached so closely that we become
its image. It is in this wounded glance of women who are too beautiful,
in the drowned Calypso of the Indian Caribbean, in the netting accumulated
around the touareg, in the scarifications of the warrior and the womb
of the ancient slaves... All these humanities which we wouldn't know
without Singh, he delivers to us so we don't ever escapes from ourselves.
These mysteries of otherness set Singh appart and serve as his driving
force, his nourishment, his transfusion, his internal bass line, his
cadence. His rigor is to preserve the white, which in reality are our
deserts, our "terra incognita".
Confidentially, Singh is a "Mirror dealer" and even if he plunged
his hand into the darkness, his hand will never turn black, his hand
is impermeable to the night.
Daniel Bégard, art critic / December 97
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